Une professeure autochtone de la University of Guelph intègre divers systèmes de connaissance pour mener des travaux novateurs sur les loups de l’Est

(Source de l’image : University of Guelph)

S’interrogeant sur la façon d’étudier la population du loup de l’Est dans le nord de l’Ontario, la professeure Jesse Popp de la University of Guelph a eu pour premier réflexe de chercher à tirer parti du fruit des années passées à tisser des liens avec les communautés autochtones de la région : l’accès à des connaissances inédites qui permettront d’alimenter les travaux de recherche sur ces animaux dont la population est en déclin.

« La création de liens avec les Premières Nations de Magnetawan et de Shawanaga était la clé pour commencer », explique la professeure Popp, membre de la communauté de Wiikwemkoong, territoire non cédé, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en science environnementale autochtone et, depuis peu, membre du Cercle de leadership autochtone en recherche établi par le Comité de coordination de la recherche au Canada.

Selon Mme Popp, les relations ont pu se développer parce que les chercheuses et chercheurs ont écouté et pris au sérieux les communautés autochtones et les besoins qu’elles ont exprimés.

« Il s’agit d’un projet unique », affirme la chercheuse en parlant des travaux auxquels participent son équipe, des scientifiques du ministère du Développement du Nord, des Mines, des Richesses naturelles et des Forêts (DNMRNF) ainsi que des ainées et ainés et des gardiennes et gardiens du savoir autochtone. « Du moins, dans le domaine de l’écologie faunique en Ontario, ce type de relations est encore rare; il ne s’agit pas seulement de collaborer avec les communautés autochtones, mais de leur confier les rênes. »

Le loup de l’Est est une espèce en péril, reconnue comme telle en Ontario depuis 2015 en raison de divers facteurs, notamment la perte d’habitat, la chasse humaine et l’hybridation avec des coyotes et d’autres espèces de loups. L’un des volets des travaux de l’équipe de la professeure Popp est la collecte de données génétiques.

Avec la collaboration de l’ainé Theodore Flamand, responsable des espèces en péril de Wiikwemkoong, et des scientifiques du DNMRNF, les chercheuses et chercheurs suivent les loups à bord d’un hélicoptère et capturent temporairement les bêtes à l’aide de filets, sans utiliser de tranquillisant.

Des colliers GPS sont attachés aux animaux, et des échantillons de sang sont prélevés pour collecter de l’information génétique. L’équipe prévoit aussi suivre les loups sur le terrain pour prélever des échantillons d’excréments, qui sont également très révélateurs sur le plan génétique.

Les colliers GPS sont programmés pour communiquer avec un satellite plusieurs fois par jour. Les chercheuses et chercheurs reçoivent les données en temps réel et peuvent ainsi observer les mœurs des loups : déplacements (seuls ou en meute), comportements de prédation et même emplacement des tanières.

Après deux ans, un dispositif sur le collier le fait tomber automatiquement; les chercheuses et chercheurs peuvent ensuite le récupérer et le réutiliser.

L’une des choses qu’aimeraient savoir les scientifiques comme les Premières Nations, c’est si la présence des loups est permanente ou temporaire. « Sont-ils seulement de passage sur le territoire ou s’y sont-ils établis? », se questionne la professeure Popp.

Les échanges initiaux qu’elle et son équipe ont eus avec les Premières Nations les ont aidés à repérer les loups plus facilement, explique-t-elle. « En jumelant les systèmes de connaissance et en nouant des liens, en passant du temps avec la communauté lors de visites pour apprendre les uns des autres et en faisant de la recherche de la bonne façon, nous voyons déjà énormément d’avancées à ce stade précoce. »

Les travaux sont menés au laboratoire Wildlife, Indigenous Science, Ecology (WISE) de la University of Guelph que la professeure Popp a mis sur pied en 2018 avec l’aide financière du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

« La réciprocité, la responsabilité et le respect sont les principes fondamentaux du laboratoire », souligne la professeure.

Elle explique que dans le passé, les communautés autochtones et les gouvernements provinciaux ne s’entendaient pas sur la question de la surveillance et de la gestion de la faune. Pour elle, il est important d’améliorer les relations, et ce projet est un pas dans la bonne direction.

« Les objectifs du projet sont multiples, ajoute-t-elle. Les travaux permettront d’établir des liens authentiques avec les Premières Nations, de faire valoir les connaissances et les perspectives autochtones et de montrer comment la combinaison des systèmes de connaissance peut faire avancer la science — qui dans le cas qui nous intéresse, consiste à mieux comprendre les comportements du loup et sa relation avec son environnement (écologie spatiale), deux choses qui peuvent contribuer à la planification des efforts de conservation. »

« Les méthodes scientifiques choisies en fonction d’une approche respectueuse et inclusive mènent à des travaux de recherche de meilleure qualité, assure Mme Popp. Nous parlons de réconciliation avec les peuples autochtones, mais nous devons aussi penser à la réconciliation avec la Terre. Les loups que nous étudions sont nos proches parents. Ils sont nos frères et sœurs. »

Le présent article a été traduit et publié avec l’autorisation de la This link will take you to another Web site University of Guelph (en anglais seulement).

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