Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada
Symbol of the Government of Canada

Liens de la barre de menu commune

Ancien lauréat
Prix postdoctoral Howard-Alper du CRSNG de 2005

Kyle Shen

Physique

The University of British Columbia


Kyle Shen
Kyle Shen

L’un des plus grands mystères de la physique au XXIe siècle est le suivant : pourquoi certaines matières sont-elles des superconducteurs à des températures relativement élevées? Si vous découvrez la réponse à cette énigme, vous aurez de fortes chances de recevoir le prix Nobel de physique. La découverte de quelques morceaux de ce casse-tête a valu à Kyle Shen, stagiaire postdoctoral à l’University of British Columbia, une reconnaissance internationale et le Prix postdoctoral Howard-Alper de 2005 décerné par le CRSNG.

Après seulement quelques mois de recherches au laboratoire de George Sawatzky, physicien renommé et spécialiste de la matière condensée, à l’University of British Columbia, M. Shen (qui préfère se faire appeler Kyle) est en train de porter ses recherches à un échelon supérieur. Pour ce Vancouvérois, il s’agit d’un retour chez lui après une odyssée scientifique de dix ans : après ses études de premier cycle au Massachusetts Institute of Technology, il a fait ses études supérieures à la Stanford University, où il a été pressenti comme un jeune chercheur prometteur. Depuis qu’il a terminé son doctorat au printemps 2005, Kyle Shen a effectué un tour du monde effréné. En effet, il a passé deux mois en tant que scientifique invité à l’Université de Tokyo, puis a été conférencier invité à l’University of Oxford, à la Cornell University ainsi qu’au Max Planck Institute, en Allemagne.

C’est l’intérêt suscité par le domaine de recherche de M. Shen qui en fait un dossier chaud, si l’on peut parler ici de chaleur. Les superconducteurs sont des matériaux dans lesquels les électrons se déplacent sans résistance. Si les serpentins de votre cuisinière étaient faits de superconducteurs, vous pourriez les allumer, mais ils ne chaufferaient jamais, parce que les électrons y circuleraient sans résistance.

En raison de cette absence de résistance, les superconducteurs pourraient représenter un énorme potentiel pour l’industrie, car ils transmettent le courant électrique sans perte de chaleur. Un ordinateur portatif fait de matériaux superconducteurs ne générerait pas de chaleur. La difficulté vient de ce que le plomb et l’étain, entre autres, ne deviennent surperconducteurs qu’à des températures s’approchant de quelques degrés du zéro absolu, ou -273 °C, de sorte qu’ils ne sont pas du tout pratiques pour la plupart des utilisations commerciales.

Considérez les superconducteurs à haute température (SHT). Découverts en 1987, ces matériaux ne produisent pas de résistance jusqu’à une température comparativement douce de -140°C. La grande question est : pourquoi?

Au cours de ses études de doctorat, Kyle Shen s’est attaché à étudier un groupe de SHT qui offrent une perspective unique sur la nature des SHT. Ces SHT sont normalement des isolants : les électrons n’y circulent pas du tout à la température de la pièce. Toutefois, lorsqu’on leur ajoute quelques atomes d’autres éléments, ils subissent un changement physique radical extrêmement intrigant : ils se transforment en superconduteurs.

« Selon le raisonnement classique, ces matériaux ne devraient pas être superconducteurs, ni même se comporter comme des métaux. Ils devraient demeurer des isolants », commente M. Shen.

Le chercheur ajoute que le défi consiste à comprendre de quoi il s’agit, c’est-à-dire comment les électrons interagissent les uns avec les autres et comment ils sont agencés de façon à devenir des superconducteurs. Pour ce faire, Kyle Shen et ses collègues de la Stanford University ont utilisé une technique perfectionnée, appelée spectroscopie à émission photoélectrique, pour extirper laborieusement des données à l’échelle nanométrique au sujet de ces interactions entre électrons.

Au laboratoire de radiation de l’université, ils ont bombardé des matériaux SHT d’intenses faisceaux de lumière ultraviolette. Les rayons ultraviolets ont littéralement expulsé des électrons des cristaux de matériaux SHT. En mesurant la trajectoire de ces électrons expulsés, l’équipe de M. Shen a pu établir une corrélation entre l’énergie initiale de l’électron et son impulsion à l’intérieur du matériau, comme si l’on retraçait la trajectoire d’un ballon de soccer jusqu’au joueur qui l’a frappé.

Ces expériences ont confirmé qu’à l’intérieur du cristal de SHT, les électrons sont disposés comme sur un échiquier. L’élément le plus remarquable de l’article publié par les chercheurs dans Science est la découverte du fait que les électrons se déplacent et interagissent très différemment le long des diagonales de l’échiquier et le long de ses côtés.

Pour arriver à cette découverte, M. Shen a dû veiller pendant des périodes de 30 heures sans répit afin de s’occuper de son expérience.

« Les résultats les plus intéressants sont apparus après des semaines, ou même des mois d’analyse de données », commente le chercheur.

À l’heure actuelle, Kyle Shen se prépare encore à passer des nuits blanches, cette fois au nouveau Centre canadien de rayonnement synchrotron (CCRS) à Saskatoon, où il continuera à explorer l’agencement nanométrique des électrons dans la matière. Cette recherche marquera une nouvelle ère de la physique de la matière condensée au Canada. Le CCRS est le premier synchrotron canadien. S’il permet aux scientifiques de jeter un coup d’œil sur la nature de la matière, il permet d’abord de les attirer au Canada. On a récemment incité M. Sawatzky, physicien de renommée mondiale, à revenir au pays après trois décennies passées aux Pays-Bas en lui confiant une chaire de recherche du Canada ainsi que la direction du nouveau laboratoire de génie des matériaux et des procédés de pointe de l’University of British Columbia.

Selon Kyle Chen, c’est l’agencement des événements – les gens, les installations et la famille – qui permet à un chercheur de mener une carrière scientifique internationale dans son propre pays.